Laurent Esso, avez-vous fait votre collège ?

Monsieur Esso,
Votre discours sur le problème anglophone est vide de toute pertinence. C’est à peu près aussi nul que la réforme totalement rétrograde du code pénal dont le texte circule sur internet et qui est tout, sauf l’œuvre de vrais juristes.

Lorsque vous tentez par un discours aussi superficiel de répondre aux revendications des anglophones, on dirait que, chargé de faire le portrait d’une personne, vous vous contentez de décrire les vêtements qu’il porte, ignorant complètement sa personnalité, son vécu, sa culture. Tout enseignant vous donnerait la note la plus basse, la plus proche de zéro.

Notez donc ceci : le problème anglophone n’est pas seulement un problème de langue. C’est un problème d’histoire, de culture, de sociologie, d’économie, d’administration, de justice, de gestion, etc.

Vous semblez ignorer que ces « anglophones » ont eu un jour à choisir librement de faire partie du même Etat que vous. C’est à dire qu’ils auraient bien pu ne pas être avec vous, mais être avec un autre Etat ou même avoir leur propre Etat.

Ce choix qui est un acte de volonté réfute l’argument de contingence que vous avancez avec légèreté.

Lorsqu’on a choisi de faire association avec quelqu’un à un moment donné, on peut s’estimer avoir été floué plus tard. C’est ce qui s’exprime de manière larvée chez les anglophones depuis de nombreuses années. Et qui plus tard pourrait s’exprimer de manière de plus en plus radicale, si les seules réponses apportées aux questions pertinentes des anglophones demeurent la violence, la négligence et la roublardise de votre gouvernement.

Voici à titre de rappel quelques articulations de la genèse de ce problème :

Le Cameroun sous mandat de la SDN (1919 - 1946)
- Anglais et Français se partagent la gestion du territoire

- Le système judiciaire Français est transplanté au Cameroun,

- Le Cameroun occidental sera rattaché au Nigeria. Le territoire est divisé en 2 parties: Une partie Septentrionale appelée Nothern Cameroon, et une partie méridionale appelée Southern Cameroon.

Le Cameroun sous tutelle français et britannique Après la 2e guerre mondiale

- Le 10 Mai 1957 le Cameroun est doté de sa première assemblée législative, son drapeau, sa devise, son hymne national sont adoptés. 
- Le Cameroun oriental devient indépendant le 1er Janvier 1960.

Le Cameroun sous tutelle Britannique
- La conférence de Londres de 1957 accorde plus d'autonomies à zone méridionale et Endeley devient le premier ministre le 15 Mai 1958. 
- En Janvier 1959 John Ngu Foncha lui succède à la suite des élections. 
- Le Cameroun Septentrional quant à lui est administré comme parti intégrant du Nigeria du Nord. 
- Le 11 et 12 Février 1961 la zone Septentrionale se prononce pour le rattachement au Nigeria, tandis que la zone méridionale vote pour le rattachement au Cameroun oriental. 
- Le 1er Octobre 1961 le Cameroun méridional devient indépendant et se rattache au Cameroun oriental, c'est la réunification (république fédérale du Cameroun).

Vous voyez donc qu’il ne s’agit pas de « contingences historiques », mais d’un cheminement cohérent. Il y a eu deux Cameroun à un moment de l’histoire et l’un des deux a choisi de se rapprocher de l’autre.

C’est comme dans un mariage. Si les promesses des fiançailles ne sont pas tenues, on court le risque d’avoir à faire face à une demande de divorce.

Lisons maintenant vos propos, en les considérant comme les questions de quelqu’un qui ignore tout de l’histoire qu’il prétend raconter.

Question 1: « Quand les Allemands quittaient le Cameroun en 1918 après leur défaite militaire lors de la 1ère guerre mondiale, qui était "anglophone" qui était "francophone" en ce moment là? »

Réponse : avant l’arrivée des Allemands, qui était camerounais ? Personne. Il n’existe aucun Etat appelé Cameroun avant la colonisation allemande. On a vu plus haut que le premier Cameroun indépendant est le Cameroun francophone.

A titre de rappel, voici un résumé Wikipédia de l’histoire de la naissance du Cameroun : « La colonisation allemande commence en 1884 avec la signature en juillet d'un traité entre le roi de Bell et Gustav Nachtigal. Le protectorat s'étend du lac Tchad au nord aux rives de la Sangha au sud-est. En 1911, un accord franco-allemand étend les possessions allemandes à certains territoires de l'Afrique-Équatoriale française.

Question 2: « Quand nous chantons "O Cameroun berceau de nos ancêtres", nos ancêtres étaient-ils "anglophones" ou "francophones"? »

Réponse : puisque êtes né 1942, vos ancêtres n’étaient même pas camerounais si on suit votre logique, puisque cet Était n’existait pas. On appelle ancêtre la personne de qui l'on descend, antérieure aux parents.
- Vous devriez donc chanter : Ô Douala, berceau de mes ancêtres », pour coller à votre réalité historique.


Question 3: « Des langues étrangères imposées par des puissances colonisatrices ne peuvent pas servir de référant pour distinguer les Cameroun encore moins les diviser »

Réponse : ces langues étrangères ne sont pas de simples langues, mais des marqueurs historiques et culturels profond.

Vous ne pouvez pas logiquement comparer la situation des « anglophones » à celle d’un enfant de n’importe où qui prendrait des cours d’Anglais. 
Les deux Cameroun n’ont pas seulement hérité de deux langues, mais de deux cultures totalement différentes.

D’où les incidences sur le système judiciaire et la problématique soulevée par les avocats anglophone.

Vous n’êtes pas sans ignorer que le système judiciaire anglais est toujours en vigueur chez les anglophones, et qu’il n’a que peu à voir avec le système français que vous utilisez.

Il y a donc toujours deux Cameroun dans un, comme dans un mariage qui n’efface pas l’identité des deux conjoints.

Il y a deux peuples qui savent ce qui les oppose et ce qui les rapproche.

Question 4 : « D'ailleurs d'ici 2 ou 3 générations, l'essentiel des Camerounais ne sera plus ni anglophone ni francophone »

Réponse : continuez comme ça et d'ici 2 ou 3 générations, il n’y aura même plus du Cameroun du tout.

Conclusion : vous avez le choix dans votre gouvernement d’incompétents et de corrompus, de vous réveiller et de vous mettre au travail, si vous souhaitez voir ce pays continuer à exister après vous.

Vous avez aussi le choix de considérer les problèmes légitimes soulevés par les anglophones, ou à continuer à vous cacher derrière votre discours faussement naïf.

L’histoire n'a pas pour tuteur les « contingences », mais la causalité.

Celui qui laisse sa maison ouverte court le risque d’un cambriolage.

Vous avez toujours le choix entre la fuite en avant et le face à face avec le problème.

C'est ce qui distingue l'homme de valeur de l'homme vulgaire.

Joseph Désiré Mvondo Nkou, 26/11/16

source : Groupe Facebook LCCLC

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