Soigner notre vision de l'histoire dans la nouvelle culture citoyenne actuelle en pleine expansion urbaine

Soigner notre vision de l'histoire dans la nouvelle culture citoyenne  actuelle en pleine expansion urbaine

Quelques clarifications à propos de la polémique
autour de la mémoire de Um Nyobè
Soigner notre vision de l'histoire dans la nouvelle culture citoyenne
actuelle en pleine expansion urbaine

Avec Generation Change, il faut désormais s'habituer dans l'espace public à des débats contradictoires. Il est moins fréquent de voir un mouvement social qui se développe en écrivant en même temps son histoire publique. La mémoire de l'indépendantiste et anticolonialiste Um Nyobè fait l'objet d'une polémique. La date de son assassinat le 13 septembre 1958 par l'armée française vient d'être considérée par un critique comme le point de départ du mouvement d'une histoire de ressentiment qui « pollue » ce que j’appellerai la représentation du rapport de la société camerounaise à son passé politique. Le recours à la critique du ressentiment du philosophe Nietzsche pour déconstruire un exercice de mémoire a connu beaucoup de soubresauts. C'est l'histoire d'une mémoire qui a été tour à tour d'abord empêchée(1958-70), ensuite manipulée (1970-80) et, enfin, reconnue (1990), peut-être banalisée aujourd'hui.
Je m'en tiens ici à sa banalisation dont les graves difficultés (au sens pathologique) demandent à être soignées afin de renouveler (changer) la vision éthique de notre histoire politique dans la nouvelle culture citoyenne actuelle en pleine expansion urbaine. Car cette mémoire serait tout autant banalisée par ses adorateurs (les conservateurs des reliques) que ses iconoclastes (les destructeurs d'images sacrées). On ne s'amuse pas avec les références philosophiques. L'usage de la philosophie de Nietzsche pour traiter le problème de la vision de l'histoire dans une culture est un exercice délicat. Dans l'Anté-Christ ou dans Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche associe le ressentiment à sa critique de la religion. Il faut aller à la Généalogie de la morale, à Par-delà le bien et le mal et à Ecce Homo pour décrire le mouvement du ressentiment qui est un obstacle à la transformation positive d'une histoire. Le philosophe exerce ici une fonction médicale au service de la santé de la culture afin de la libérer de la maladie du ressentiment. En quoi consiste-t-elle dans notre rapport à l'histoire ?
Vivre dans le ressentiment, c'est subir la force des événements négatifs du passé sans être capable d'agir contre leur répétition dans le futur. Il y a ressentiment quand notre présent est dominé par la force des événements négatifs au point de nous enlever la capacité d'être les acteurs de notre présent. Ces forces négatives qui nous installent dans l'inaction prennent le dessus sur les forces positives d'action. Ainsi si notre rapport au passé se réduit à une simple mémoire de regret des projets qui ont échoué alors notre vie se maintient dans le ressentiment. Si donc le souvenir de l'assassinat pour les adorateurs de la mémoire de Um Nyobè est une simple mémoire du regret de l'échec alors on peut dire qu'ils souffrent du ressentiment dont le symptôme est la répétition du passé. La montée de la mémoire dans la conscience la fige dans le passé sans qu'elle soit capable de s'en défaire pour orienter le futur de son action. L'homme du ressentiment n'est pas capable d'agir pour orienter le cours de son histoire. Il l'a subie dans l'inaction et dans les souffrances cruelles. Il est aussi porteur d'un désir de vengeance, d'un désir de se révolter et de triompher, d'une accusation perpétuelle.
Les iconoclastes sont exposés à la déformation du passé et à la négation des possibilités et des potentiels de réussite dont il est encore porteur. Le passé de Um Nyobè qui est soumis à une destruction est porteur d'une espérance et d'une promesse qui nourrissent le présent actuel d'une nouvelle culture citoyenne en pleine expansion urbaine. Ainsi vouloir détruire un passé, c'est aussi souffrir de l'illusion d'un présent qu'on veut hâtivement transformer avec des fantasmes de violence. En ce sens, la mémoire, qui n'est pas la répétition figée du passé, est aussi souvenir d'une espérance de libération et rappel des défis du passé qui nous attendent pour être accomplis dans l'action du présent actuel.

David-Le-Duc Tiaha

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